Discours prononcé par François Morton le 8 mai 2024
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants de la sécurité publique et de la sécurité civile,
Mesdames et Messieurs les représentants d’établissements scolaires et d’associations,
Mesdames et Messieurs les représentants des Anciens combattants,
Mesdames et Messieurs,
« Nous soussignés, agissant au nom du Haut Commandement allemand, déclarons par la présente que nous offrons la reddition sans condition au Commandant suprême des Forces expéditionnaires alliées et, simultanément au Haut Commandement soviétique, de toutes les forces de terre, de mer et de l’air qui sont à cette date sous contrôle allemand. »
C’était le 7 mai 1945 à 2h41 à Reims. L’Allemagne nazie capitulait enfin sans condition. Le lendemain, à Karlshorst, banlieue de Berlin passée sous contrôle soviétique, une seconde reddition fut signée. Les accords furent entérinés le 8 mai 1945 à 23h01. L’Europe était en paix.
Le 2 septembre suivant, le Japon capitula, anéanti par les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, et l’attaque soviétique de la Mandchourie. Le monde était en paix.
En paix, mais à quel prix ? Les 6 années de combat coutèrent la vie à plus de 60 millions de personnes, civiles et militaires, en Europe, en Afrique, en Asie. Des familles éplorées, des survivants meurtris, et à jamais le souvenir douloureux du sang et de la barbarie.
Comme chaque 8 mai, nous sommes réunis devant notre Monument aux morts, toutes générations confondues, pour nous souvenir…
… Nous souvenir de la bravoure de nos soldats, souvent très jeunes, qui ont affronté le danger pour libérer notre pays de l’ennemi. Envoyés au front et plongés dans cette folie meurtrière, ils se sont battus pour notre liberté et notre dignité. Rendons-leur hommage… Nous devons aussi exprimer notre gratitude à nos Alliés, venus des Etats-Unis, du Royaume-Unis et du Commonwealth, d’Afrique et de tant de pays d’Europe et du Monde. Au prix de grandes souffrances, ils sont sortis victorieux du combat contre la bestialité nazie et ceux qui l’ont soutenue.
… Nous souvenir aussi du courage admirable des soldats de l’ombre. Combien d’entre elles, combien d’entre eux ont péri au nom de nos idéaux et de l’universalité des droits humains ? Nous leur devons tant… Comme chaque année, nous avons rendu hommage ce matin à deux jeunes résistants, Jean Lanot et Jean-René Allviger, qui tombèrent sous les balles ennemies au bois Robert, non loin d’ici. Une stèle a été érigée en leur honneur ; une rue de Guyancourt porte aussi leur nom.
Aujourd’hui, j’ai aussi une pensée particulière pour les fusillés du Mont Valérien… ces 23 résistants communistes des FTP qui, il y a 80 ans maintenant, furent condamnés à mort et fusillés, après une ignoble campagne de propagande antisémite dont on garde notamment en mémoire l’Affiche rouge, placardée sur les murs de Paris et d’autres villes en France.
La barbarie nazie n’avait pas de limite. Ici même, au cœur de notre continent européen, dans le berceau des Lumières, des hommes organisaient l’extermination systématique d’une partie de l’Humanité. Juifs, tziganes, handicapés, homosexuels, opposants, ils furent des millions d’hommes, de femmes, d’enfants, à être jetés à la mort. Victimes de l’extermination, des persécutions et de l’oppression, fusillés, massacrés, déportés, internés, martyrs d’une idéologie barbare.
Le souvenir heureux de la victoire ne doit pas occulter la réalité des faits et la part d’ombre qui est aussi la nôtre. Rappelons-nous que le régime Français a participé à la Shoah : dès mai 1942, la police française chargée de contrôler le port de l’étoile jaune, devenue obligatoire, arrêta des centaines de juifs, d’abord emmenés de force à Drancy, puis déportés. En juillet 1942, le 15 précisément, Pierre Laval chef du gouvernement de Vichy ordonna la rafle de 13152 civils, hommes femmes et enfants, internés dans le chaos du Vélodrome d’hiver avant d’être envoyés dans les camps de la mort. En moins de trois ans, près de 76 000 juifs de France ont été déportés.
Ils ont été dénoncés, trahis, arrêtés par d’autres Français. La Collaboration s’est nourrie d’un antisémitisme latent, dont les relents n’ont eu de cesse, hier comme aujourd’hui, d’émailler l’histoire de notre pays et de notre continent.
C’est pourquoi il est de notre devoir de continuer à transmettre l’esprit de la Résistance : la liberté de conscience, de pensée et d’expression, l’égalité des droits, la coopération internationale, la protection sociale, la dignité humaine. Gardons à l’esprit que partout où la République cède du terrain sur ces valeurs, l’égoïsme et le communautarisme progressent et prétendent la remplacer.
L’Europe est née du chaos de la guerre mais forte de la volonté d’ériger les droits de l’Homme comme le fondement de nos sociétés. Je souhaite que ce message puisse être entendu. Dans un monde où pèse le poids de l’incertitude et du repli sur soi, nous devons nous appuyer sur les valeurs universalistes et démocratiques que nos ainés nous ont léguées.
Je vous remercie.